Pour la première fois depuis son implantation en Côte d’Ivoire, le géant américain Cargill a interrompu ses opérations de transformation de cacao. L’entreprise invoque la mauvaise qualité des fèves, jugées trop chargées en impuretés, ce qui réduit leur rendement et menace ses installations industrielles.
Cette suspension inédite, hors arrêts techniques habituels, met en lumière l’ampleur des difficultés auxquelles fait face la filière ivoirienne en 2025. Selon l’association des exportateurs GEPEX, relayée par Reuters, la transformation a chuté de 31,2 % en juillet, avec seulement 39 301 tonnes broyées contre près de 57 000 un an plus tôt. Sur la campagne d’octobre 2024 à juillet 2025, le cumul atteint 515 055 tonnes, soit une baisse de 4 % en glissement annuel. Les industriels dénoncent des fèves « de qualité médiocre », caractérisées par une acidité excessive et une faible teneur en beurre de cacao, rendant leur utilisation peu rentable.
La logistique n’est pas épargnée : entre avril et mi-août 2025, les arrivages dans les ports d’Abidjan et de San Pedro ont reculé de 30 %, à 350 000 tonnes, contre la même période en 2024. Les stocks des broyeurs sont désormais épuisés, et beaucoup misent sur la grande récolte d’octobre pour reconstituer leurs réserves et retrouver un rythme de broyage d’environ 58 000 tonnes par mois.
Première puissance mondiale du cacao, la Côte d’Ivoire génère plus de 6 milliards de dollars par an grâce à ce secteur, soit 40 % de la production mondiale. Mais la baisse des volumes exportés pourrait amputer le pays de 1,8 milliard de dollars de recettes si la tendance persiste. Les producteurs sont en première ligne : une part de leurs fèves est refusée pour non-conformité, ce qui réduit directement leurs revenus. Plus d’un million de planteurs vivent du cacao, et certains économistes estiment que leurs gains nets pourraient chuter de 10 à 15 % en 2025.
L’État ivoirien, qui tire environ 15 % de ses recettes fiscales de la filière, voit également ses marges budgétaires menacées alors que d’importants investissements publics doivent être financés.
Avec une capacité nationale de broyage estimée à 750 000 tonnes par an, la Côte d’Ivoire rivalise avec les Pays-Bas. Cargill, aux côtés de Barry Callebaut et Olam, figure parmi les principaux industriels installés dans le pays. Mais la décision de Cargill reflète les incertitudes qui pèsent sur la campagne 2024-2025.
Si la qualité des fèves s’améliore à partir d’octobre, l’entreprise pourrait relancer ses activités dans son usine ivoirienne (160 000 tonnes de capacité annuelle). Dans le cas contraire, les tensions sur la filière risquent de s’accentuer, affectant producteurs, exportateurs et finances publiques.