Pendant les dernières décennies, la Côte d’Ivoire a observé une disparition alarmante de ses mangroves, mettant en péril des écosystèmes essentiels.
Ces marécages, abritant principalement des palétuviers, jouent un rôle crucial dans la sécurité alimentaire locale et dans l’équilibre environnemental. Un reportage réalisé à Grand-Bassam, à 30 kilomètres d’Abidjan, illustre cette situation critique.
Autrefois, les mangroves faisaient partie intégrante du paysage à Grand-Bassam et dans les villages voisins. Ces forêts amphibies, qui couvraient initialement 500 hectares, ne s’étendent désormais plus que sur une trentaine d’hectares. Crépin Akesse, président des jeunes d’Azuretti, se souvient de leur splendeur passée.
“Il y a à peine 25 ans, toute la rive était bordée de mangroves, comme ces petites oasis que vous voyez ici. Elles s’étiraient sur au moins 30 mètres à l’intérieur des terres. Cependant, avec l’urbanisation croissante, les promoteurs immobiliers ont défriché de vastes étendues, entraînant la destruction des mangroves. Nous avons protesté comme nous le pouvions, organisant des manifestations en 2017 et 2018, envoyant des lettres aux autorités locales… Mais malheureusement, nos efforts sont restés vains.”
Les pratiques traditionnelles contribuent également à cette menace pesant sur les mangroves. Les palétuviers sont parfois abattus pour être utilisés comme bois de chauffage ou pour fumer le poisson. En mars dernier, une initiative financée par l’Union européenne visait à sensibiliser et à replanter des arbres à Azuretti. François Esou, frère du chef du village, surveille la protection des jeunes palétuviers contre les pêcheurs utilisant des filets de pêche destructeurs.
“Les pêcheurs, lorsqu’ils arrivent avec leurs pirogues, utilisent ces filets agressifs, les ‘éperviers’, sur les mangroves… Je leur interdis de le faire. Leur action déracine les palétuviers. Souvent, ils pêchent la nuit, période pendant laquelle je ne peux pas surveiller. Mais en journée, je veille.”
Les conséquences de cette destruction des mangroves sont graves, affectant à la fois les habitants locaux et l’écosystème. Séka Fernand Ayenon, géographe, souligne leur importance en tant que zones d’accouplement pour les espèces aquatiques.
“Ces zones sont cruciales pour la reproduction des espèces aquatiques. Regardez, il y a une grande variété de poissons. La disparition de ces mangroves entraînerait la perte de ces ressources. De plus, ces écosystèmes jouent un rôle essentiel dans la capture du carbone, dix fois plus efficacement qu’une forêt terrestre. Ils agissent également comme des barrières contre l’érosion côtière.”
Malgré la signature par la Côte d’Ivoire de la convention internationale Ramsar en 1971 visant à protéger les zones humides, seuls Fresco, dans le sud-ouest, et les îles Ehotilé près d’Assinie bénéficient de cette mesure. Les défenseurs de l’environnement exhortent le gouvernement à étendre cette protection à l’ensemble des mangroves ivoiriennes, dans l’espoir de sauver celles qui peuvent encore l’être.